


Elle avala le contenu du tube de Seconal disposé sur la commode par l’accessoiriste et prit la pose sur le lit en vérifiant le drapé de sa robe à l’intention des photographes qui la trouveraient le lendemain matin après l’appel à la police de la femme de chambre : le cliché, à n’en pas douter, allait être somptueux.
Seulement voilà : tout ça n’était dans le script.
Le Tabasco, la tequila et le Seconal mélangés à hautes doses, ça se marie mal avec l’odeur des tubéreuses: ça vous révulse les estomacs les plus aguerris. Mais comme il était hors de question de gâcher la photo en vomissant sur le lit, elle se leva, tituba jusqu’à la salle de bain et vomit soudain par terre, sur le carrelage. Faisant un pas de plus, elle glissa dans la flaque aigre et violacée de frijoles et chili con carne mêlés de la mousse blanchâtre formée par les comprimés de Seconal (revoyant sa vie en un éclair, revivait-elle les séquences de slapstick tournées avec Laurel et Hardy ?) et dans sa chute sa tête heurta violemment le bord du lavabo. Assommée sur le carrelage de la salle de bain ça pouvait encore faire une bonne photo : en changeant de focale on recadrait sur le visage « livide mais paisible », avec sur le front un filet de sang noir qui se confondrait avec les mèches de cheveux. Un bon retoucheur se chargerait d’éliminer les filets de vomissures sur les lèvres et le menton. C’était moins
